La mobilisation des peoples vis-à-vis d'Haïti m'interroge. Haïti, il faut en être. pas question de laisser le champ compassionnel à la concurrence. Tout le monde y va de son couplet, mais lequel ? En tout cas assez rarement celui qui évite l'émotion grandiloquente au bénéfice d'une analyse socio-économico-politique solide.
Dans la revue Ravages Paul Virilio écrivait:« Aujourd'hui la mondialisation et l'universalisation des écrans favorisent la synchronisation des émotions à l'échelle de millions de gens. Nous passons de la standardisation des opinions, qui correspondait à la communauté d'intérêts des classes sociales, à la synchronisation générale des affects. C'est-à-dire à une communauté d'émotions qui débouche sur un communisme mondial des passions. »
Le 11 septembre, le tsunami, les grandes catastrophes aériennes la mort de Michaël Jackson, le virus A H1 N1 provoquent une communion des affects qui l'emporte sur la rationalité, sur le travail du néo-cortex. Le légitime élan de solidarité évite de trop aborder le fond dérangeant des problèmes. On sait depuis Paul MacLean que le cerveau comporte, en gros, trois couches en interaction : en dessous le cerveau reptilien , au dessus le cerveau des mammifères, le limbique, celui qui gère les émotions et tout au-dessus le néo-cortex, le cerveau imaginant, celui qui analyse et conceptualise. Les médias populaires aussi bien que les politiques ont la tentation de s'adresser prioritairement au cerveau limbique, plus pénétrable, moins retort, plus consensuel que le néo-cortex. Nicolas Sarkozy et ses communicants ont compris ça depuis longtemps, d'où la lecture de la lettre de Guy Môquet dans les écoles, la proposition d'une prise en charge de la mémoire d'une petite victime de la shoah, toujours par les élèves des écoles, et la prolifération de lois, qui sont souvent des doublons avec des lois existantes, à chaque fait-divers particulièrement odieux.
Ce monopole du cœur que Valery Giscard d'estaing disputait à François Mitterrand jadis et qui vise un rassemblement des gens généreux au delà des clivages idéologiques, et au bénéfice des pouvoirs en place, est plus que jamais un enjeu majeur de la politique.