Après le tsunami de Mai-68, Charles de Gaulle proposa "la participation". C'était trop tard et surtout vécu comme une tentative pour sauver les meubles. La participation ne réglait pas tous les problèmes sociétaux loin de là et notamment esquivait la libération des mœurs suggérée par "les agités" et qui reste l'essentiel de l'apport de Mai 68. Sur ce plan Charles de Gaulle était un homme du XIXe siècle. mais sa proposition était pourtant un sérieux pas en avant. Le problème, c'est qu'une bonne partie des citoyens en avaient marre de la monarchie constitutionnelle ( sous laquelle nous vivons toujours) et de l'écrasante figure tutélaire du "père". Ils étaient devenus sourds à toute proposition et ça arrangeait bien ceux qui détenaient le pouvoir économique et qui ont dû penser :" il a pété une durite le vieux !" A gauche on croyait encore dur comme fer à la dictature du prolétariat et aux lendemains qui chantent. La participation mettait en danger la lutte de classes et contestait le bien-fondé de la dialectique marxiste. Elle ne pouvait être qu'une collaboration de classes vécue comme une trahison. Le référendum qui suivit fut un échec, de Gaulle se retira, mourut peu après et la participation fut pour l'essentiel enterrée.
Voici l'extrait d'un entretien de Charles de Gaulle sur la participation radiodiffusé et télévisé avec Michel Droit le 7/6/1968 et qui pose clairement le problème en proposant une solution intéressante mais qu'on peut bien entendu discuter :
"D'abord, il y a le communisme qui dit : créons d'office le plus possible de biens matériels et répartissons-les d'office de telle sorte que personne n'en dispose à moins qu'on ne l'y autorise. Comment ? Par la contrainte. La contrainte morale et matérielle constante, autrement dit, par une dictature qui est implacable et perpétuelle, même si, à l'intérieur d'elle-même, des clans différents s'en saisissent tour à tour en se vouant aux gémonies; même si, depuis que se système est en vigueur en certains endroits, ses chefs, à mesure qu'ils se succèdent, se condamnent les uns aux autres, comme s'il était prouvé d'avance que chacun devrait échouer à moins qu'il ne trahisse. Non, du point de vue de l'homme, la solution communiste est mauvaise.
Le capitalisme dit : grâce au profit qui suscite l'initiative, fabriquons de plus en plus de richesses qui, en se répartissant par le libre marché, élèvent en somme le niveau du corps social tout entier. Seulement voilà: la propriété, la direction, le bénéfice des entreprises dans le système capitaliste n'appartiennent qu'au capital. Alors, ceux qui ne le possèdent pas se trouvent dans une sorte d'état d'aliénation à l'intérieur même de l'activité à laquelle ils contribuent. Non, le capitalisme du point de vu de l'homme n'offre pas de solution satisfaisante.
Il y a une troisième solution: c'est la participation, qui, elle, change la condition de l'homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que des gens se mettent ensemble pour une oeuvre économique commune, par exemple, pour faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment ensemble une société, une société où tous aient intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement et un intérêt direct. Cela implique que soit attribuée de par la loi, à chacun, une part de ce que l'affaire gagne et de ce qu'elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés d'une manière suffisante de la marche de l'entreprise et puissent, par des représentants qu'ils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions. C'est la voie que j'ai toujours cru bonne. C'est la voie dans laquelle j'ai fait déjà quelques pas; par exemple en 1945, quand, avec mon gouvernement, j'ai institué les comités d'entreprises, quand, en 1959 et en 1967, j'ai, par des ordonnances, ouvert la brêche à l'intéressement. C'est la voie dans laquelle il faut marcher."
Qui disait : "l' Histoire ne se répète pas, elle bégaie" ? C'est Karl Marx, je crois.
Quand on lit ça, par comparaison, on trouve Nicolas Sarkozy vraiment minuscule.