Le surlendemain, jeudi 13 janvier, la tension est palpable dans le quartier de Yasmine Hammamet. Nous sortons pour une promenade dans le centre d'Hammamet situé environ à 4 kilomètres de l'hôtel. Nous constatons qu'il n'y a pratiquement personne sur la quatre voie qui chemine entre la plage et les hôtels. La rue est silencieuse. Tous les restaurants de plage sont fermés, les trottoirs sont déserts et nous attendons en vain l'un de ces taxis jaunes qui, la veille parcouraient inlassablement l'avenue à la recherche de touristes. L'atmosphère est étrange sur cette grande avenue qui ressemble à la Grande Motte, plus les palmiers ! Je pense au film " The World, The Flesh and the Devil" ou Harry Bellafonte erre dans une ville déserte après le passage d'un nuage radioactif. Nous parcourons plusieurs kilomètres jusqu'au port de plaisance de Yasmine. Tous les magasins sont fermés . À un rond point un taxi jaune s'arrête près de nous. Nous demandons au chauffeur de nous conduire au centre d'Hammamet. Il nous informe que c'est impossible. Hammamet est fermé à cause des pillages et des incendies. Nous retournons à l'hôtel. Des quelques informations que j'arrive à grappiller, il ressort à peu près les mêmes choses. Les prix des denrées de première nécessité augmentent dans des proportions insupportables, le chômage atteint toutes les couches de la population et dans l'ensemble les gens sont très mécontents. Mais il n'est rien dit sur les libertés publiques qui sont réduites à leur plus simple expression, peut-être parce qu'il s'agit du problème central.
Deux cars viennent de déverser leur chargement de soixante Japonais ; ce qui apporte un peu d'ambiance au restaurant très calme depuis la veille. Certaines agences de voyage pratiquant le principe de précaution ont évacué leurs clients. Il reste peu de Français et quelques Flamands que nous avons pris pour des Allemands !
Nous passons une partie de la soirée devant les émissions de TV5 Monde dont les informations francophones proviennent de Belgique et du Canada. Les informations de l'A2 que nous captons également nous paraissent d'une étrange neutralité. Depuis le début du conflit on annonce 66 morts, mais il se pourrait qu'il y en ait bien davantage. Hier un Franco-Tunisien a été tué à Tunis. Aujourd'hui la contestation à Tunis et à Nabeul prend des proportions dramatiques. Vers 22 heures j'entend du bruit à l'extérieur de l'hôtel et aperçois par la fenêtre de notre chambre située au 4e étage un défilé de voitures avec concert d'avertisseurs et drapeaux tunisiens brandis. Ben Ali venait d'annoncer su la chaîne tunisienne officielle qu'il interdisait les tirs de policiers sur les manifestants, que les prix des denrées de première nécessité allaient baisser, qu'internet serait débloqué et que dorénavant la presse serait libre. Il confirmait également ce qu'il avait affirmé la veille, à savoir que 300 000 nouveaux emplois seraient créés et surtout qu'il ne se représenterait pas en 2014. Ça parait beaucoup pour un dictateur. Je suis personnellement dubitatif devant une telle avalanche de bonnes nouvelles.
Sur l'A2 le commentateur déclare que les troubles ont atteint Hammamet " destination préférée des Français "
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