Bien qu'il fût "redressé" Dimanche soir sur l'A2 par le premier ministre Jean-Marc Eyraud, Arnaud Montebourg ministre du redressement productif s'est fendu la semaine dernière de déclarations péremptoires sur les avantages du nucléaire.
On savait depuis longtemps que le parti socialiste était plutôt mou des genoux en ce qui concerne les problèmes liés à l'environnement. Montebourg comme Valls, comme Bartolomé font partie de ces "pragmatiques" du PS farouchement pro-nucléaires, auxquels on peu ajouter Bertrand Delanoë qui a déclaré il y a deux ou trois ans que le nucléaire est une énergie propre. Ces convictions pronucléaires expliquent peut-être le flou artistique de François Hollande sur l'environnement dans son programme électoral
Les propos d'Arnaud Montebourg sont des plus ambigus: " Que le nucléaire soit une filière d'avenir, a-t-il dit sur RTL, c'est une évidence, à partir du moment où l'annonce qui a été faite par le président de la République c'est de dire 50% dans le cadre du mix énergétique en 2025"
Voici donc une filière d'avenir que l'on réduit d'emblée de 50% à l'horizon de 2025, c'est-à-dire demain. Étonnant non ? D'autant que l'argument principal est celui des emplois générés par le démentèlement des centrales. Mais après, que devient-elle cette filière d'avenir ? Un autre argument avancé est celui de notre indépendance énergétique. Le combustible des centrales c'est l'uranium. Et où nous approvisionnons-nous en uranium ? En Afrique ! La dangerosité du nucléaire on la connait. Dans un article de ce blog en date du 26/11/2011 " le nuclaire c'est pépère", j'écrivais :" Les centrales ne sont pas sécurisées contre les attentats terroristes, les crashs d'avion ou l'erreur humaine. pas plus d'ailleurs que des accidents ou des attaques terroristes pendant le transport des déchets. Le nucléaire est également nocif, car le problème des déchets n'est toujours pas réglé à moins que le cadeau que nous faisons aux générations futures ( les déchets enterrés) soit considéré comme secondaire. Dire que le nucléaire est sûr et sans impact sur l'environnement est un mensonge."
Sans compter que nous ne sommes pas à l'abri de l'improbable qui, comme chacun sait, arrive parfois ( voir Fukushima ).
Mais la contestation en première ligne aujourd'hui ne provient plus de la dangerosité des centrales et de leur nocivité, mais de leur viabilité économique. Arnaud Montebourg a notamment déclaré : « Notre choix d'avoir une énergie pas chère, abordable et en quantité est stratégique »
Pas chère ? À voir .
Lors de la présentation du rapport de la cour des comptes en janvier 2012 sur les prospectives économiques de l'atome, Didier Migaud premier président de la cour a déclaré «quels que soient les choix retenus, afin de maintenir la production actuelle, des investissements importants sont à prévoir à court et moyen terme». Surtout, a-t-il insisté : «ne pas décider revient à prendre une décision qui engage l’avenir. Il apparaît souhaitable que les choix d’investissements futurs ne soient pas effectués de façon implicite mais qu’une stratégie énergétique soit formulée et adoptée de manière explicite, publique et transparente». Le rapport dit notamment : «Les coûts de construction, rapportés à l’énergie produite, n’ont fait qu’augmenter avec le temps, sous l’effet conjugué de la hausse du coût des travaux et du renforcement continu des réferentiels de sécurité.»
dans le World Nuclear Industry Status Report 2012 deux consultants indépendants dans le domaine de l’énergie : Mycle Schneider et Antony Froggatt écrivent « Avant le désastre de Fukushima de mars 2011, l’industrie nucléaire avait clairement reconnu qu’elle ne pourrait pas faire face à un autre accident majeur. Au cours de la dernière décennie, l’industrie a vendu au monde entier, sous le discours de la renaissance nucléaire, ce qui n’était qu’une stratégie de survie. De nombreuses sociétés nucléaires étaient déjà en grande difficulté avant le triple désastre qui a frappé la côte est du Japon en 2011… Il apparaît de plus en plus évident que les systèmes nucléaires ne sont pas compétitifs dans ce monde, que ce soit du point de vue systémique, économique, environnemental ou social. »
En février, en France, le Sénat a constitué une commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité afin d'en déterminer l'imputation aux différents agents économiques. Cette commission était présidée par Ladislas Poniatowski, sénateur UMP de l’Eure.
Les chiffres qu'elle publie, écrit Jacques Lindgaard dans Médiapart, sont inquiétants sur les perspectives de l’industrie nucléaire : en cas de prolongement de la vie des centrales à 60 ans, comme le préconise EDF, le coût réel du mégawattheure (MWh) pourrait atteindre jusqu'à 75 euros en coût courant économique, contre 49,5 euros aujourd’hui selon la Cour des comptes. À ce niveau-là, il commencerait à perdre son avantage compétitif sur les énergies renouvelables les plus matures, à commencer par l’éolien terrestre.
Arnaud Montebourg a-t-il pris connaissance de ces différents rapports avant de faire son intéressant ?