Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé, mais à moi si : bondir du canapé devant la télé en entendant un homme politique submerger l'intervieweur de contre-vérités flagrantes étayées par des arguments et des chiffres fumeux et invérifiables sur l'instant. C'est une pratique courante aussi bien à gauche qu' au centre ou qu'à droite. Ce qui démontre à quel point une majorité d'hommes politiques n'ont qu'une très médiocre considération, voire un souverain mépris pour les citoyens lambda qui les écoutent.
Souvent l'intervieweur est asphyxié par le culot de l'homme politique ou ce qu'il sait être un mensonge, mais n'a pas tous les éléments pour le contredire ou n'a pas le courage de le faire. Bien entendu certains journaux le lendemain vont dénoncer le mensonge, comme Libération et sa salutaire rubrique désintox qu'on ne se lassera pas de recommander (1). Mais c'est trop tard, le mal est fait. Comment lutter le lendemain contre un mensonge dispensé la veille à plusieurs millions d'auditeurs ou de téléspectateurs, face à la faible audience de la presse écrite quotidienne qui n'est pas, par essence, immédiatement réactive ?
C'est là qu'entre en jeu le factcheking c'est-à-dire les cellules de vérification des faits qui peuvent souffler à l'intervieweur en direct, dans l'oreillette, la réfutation des mensonges émis par l'interviewé . Malheureusement le système n'est pas encore au point et la promptitude des cellules de vérification laisse à désirer.
Le factcheking radiophonique pratiqué par JJ Bourdin sur RMC, à postériori du mensonge est plus efficace ( question d'audience) Bien que les menteurs soient souvent extrêmement retors et qu'ils ont parfois la capacité d'effacer un mensonge par...un autre mensonge.
Le plus toxique des menteurs en politique, inspiré d'ailleurs par l'ex-président n'est autre que Jean-François Copé. Le 20 octobre chez Ruquier, à la suite du chœur d'autres membres de l'UMP, il affirme que Manuel Valls veut supprimer tout critère de maîtrise de la langue dans le processus de naturalisation. C'est un mensonge éhonté. Peu importe, il l'affirme ! Et cette affirmation va cheminer dans les neurones et les synapses des téléspectateurs où elle restera stockée longtemps à bonne température.
Mercredi matin Christophe Barbier reçoit JF Copé :
Voici le dialogue :
«est ce que vous reconnaissez que vous vous êtes trompé quand vous avez affirmé que la maîtrise de la langue française ne serait plus exigée alors que Manuel Valls a bien dit que le niveau de troisième serait toujours exigé».
Réponse :«C'est pas ça le sujet.. J'ai simplement rappelé comme tout le monde que Manuel Valls donne un signal extrêmement négatif puisqu'il donne le sentiment que finalement la nationalité va être bradée...»
Avec la phrase, "c'est pas le sujet", alors qu'on était en plein dedans, Copé envoie Barbier dans les cordes et il réitère son mensonge sous une autre forme et dans une autre phrase dans le plus pur style langue de bois.
Résultat Copé n'a pas reconnu qu'il s'est trompé et encore moins qu'il a menti. Et il se sort plutôt bien de ce moment délicat.
Conclusion :
Le factcheking est une excellente chose, je dirais même, indispensable, en démocratie, mais il reste des progrès à faire pour le pratiquer correctement. Il manque surtout aux intervieweurs la pugnacité, voire l'acharnement, qui leur permettrait d'aller au bout de leur sujet, C'est-à-dire de faire leur métier en entier et de faire mordre la poussière aux gros menteurs. Peu d'entre eux en prennent le risque. Dans le cas qui nous occupe, force est de constater que Barbier n'est pas Jean-Jacques Bourdin.
Admettons maintenant que Barbier ait été jusqu'au bout en mettant le nez de Copé dans son caca, n'aurait-il pas craint quelque représaille a posteriori ?
source : Libération